En lien direct avec mon article sur l’apport de la psychomotricité auprès des troubles du comportement alimentaire, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Élodie, psychomotricienne.

Élodie a accompagné des patients souffrants de troubles du comportement alimentaire (TCA). Elle nous propose ici son témoignage concernant sa pratique.

Élodie : psychomotricienne auprès de TCA

« Je suis psychomotricienne et j’ai travaillé pendant 2 ans dans un centre spécialisé autour des troubles des conduites alimentaires. Forte de cette expérience auprès d’une équipe pluridisciplinaire spécialisée et de rencontres cliniques auprès de patients souffrant de Troubles du Comportement Alimentaire, il me tient à cœur de proposer un retour sur mon expérience.

Cela n’est pas un exercice aisé tant par la richesse et la diversité que cette équipe et ces patients m’ont apportée dans mon métier de psychomotricienne et dans ma personne.

Avant toute prise en charge de patients souffrant de TCA, il me semble important de connaître ces pathologies et de ses différentes répercussions sur la personne.

La lecture des écrits d’Odile GAUCHER, psychomotricienne m’a fortement aidé à penser les soins auprès de ces patients.

Notamment « Anorexie, boulimie et psychomotricité » ainsi que ses nombreux articles publiés dans la revue thérapie psychomotrice.

Qu’est ce que les troubles du comportement alimentaire ?

Les Troubles du Comportement Alimentaire regroupent différentes pathologies : l’anorexie mentale restrictive, la boulimie couplée à l’anorexie mentale ou encore l’hyperphagie (BED : binge eating desorder).

Les TCA peuvent toucher les hommes comme les femmes, les adolescents comme les adultes voire même les enfants. Bien que statistiquement c’est très majoritairement des adolescentes qui souffrent d’anorexie mentale restrictive et d’anorexie – boulimie.

Les Troubles du Comportement Alimentaire peuvent être transitoires dans la vie d’une personne comme se chroniciser. Les principaux signes cliniques de cette pathologie se retrouvent chez les patients TCA mais peuvent varier dans leur expression selon la personnalité, le caractère ou encore l’environnement du patient. Cela demande donc une bonne connaissance du patient et de sa pathologie.

témoignage TCA et psychomotricité

Dans ce retour, je parle principalement d’anorexie mentale restrictive et de boulimie avec mécanismes compensatoires anorexiques.

Comment te sont orientés les patients ?

Je travaillais dans un service de soin spécialisé qui dépend de l’hôpital public. J’intervenais dans les différentes structures de soin suivantes : Hôpital de Jour (HDJ), hospitalisation complète, Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel (CATTP) et consultation ambulatoire. La psychomotricité s’exerce sur prescription médicale réalisée par les psychiatres du service.

Ce sont des formats de soin différents selon le besoin des patients. Les patients d’hospitalisation complète me voyaient automatiquement (toujours sur prescription médicale) lors de leur hospitalisation – sauf refus catégorique de leur part, ce que je n’ai pas rencontré lors de mon expérience. Pour les patients d’HDJ et du CATTP, cela dépendait du besoin de chacun et c’est le psychiatre qui prescrit toujours. Il y avait des suivis individuels et en groupes. Suite au bilan psychomoteur, je commençais mes suivis ou pas selon le besoin.

Comment s’organise tes premières rencontres avec les patients ?

Je faisais toujours une séance de présentation de la psychomotricité et du bilan. Cela permettait au patient de commencer à cheminer et de ne pas le mettre immédiatement dans une situation de bilan. Il faut savoir qu’un contexte d’évaluation n’est pas facile à vivre pour ces patients qui veulent à tout prix réussir tout ce qu’ils entreprennent (perfectionnisme poussé).

Le bilan peut même générer de l’angoisse. Il m’est arrivé de commencer des prises en charge sans bilan. Et de ne le réaliser que trois mois après, une fois que la relation d’aide thérapeutique était bien construite et en place. Il est sûr que pour le professionnel de santé ce n’est pas confortable de commencer une prise en charge sans bilan. Cela demande encore plus de prudence dans les propositions mais il faut sans cesse s’adapter pour être au plus proche de qui peut aider le patient.

J’aimerai aussi insister sur un point: le patient est acteur de ses soins.
La portée des soins dépendent de son engagement dans les soins, de sa disponibilité à accueillir les soins et de sa ressource à se les approprier.

Il faut bien avoir cela en tête je pense. Le soignant est comme une béquille de soutien et donc est une aide transitoire

Une autre raison également de ne pas faire de bilan dès le début du suivi est l’état de santé trop dégradé du patient qui est alors trop faible pour la passation du bilan. Il m’est arrivé de faire passer le bilan en trois ou quatre petites séances. En effet, la dénutrition impacte la capacité de concentration et amène une grande fatigabilité physique et psychique.

Etre à l’écoute du patient est donc essentiel. 

Quand le bilan psychomoteur est possible…

Tout abord, le bilan psychomoteur est important. Il permet de rencontrer les patients et de commencer si possible une relation thérapeutique de confiance. Ces patients le plus souvent adolescent(e)s ont besoin de confiance pour déposer leur souffrance tant psychique que corporelle. La rencontre avec ces patients n’est pas toujours évidente et demande une grande empathie.

De plus, le bilan permet le plus souvent de mettre en avant les problématiques des patients. Qui guideront leurs prises en charge en psychomotricité et définiront les axes de travail ; axes qui évoluent tout au long de la prise en charge.

L’accompagnement thérapeutique

Suite au bilan psychomoteur commence la prise en charge. L’adhésion au soin du patient s’acquiert avec le temps et avec son évolution. Cela peut être immédiat comme prendre plusieurs mois. Il faut respecter cette temporalité et s’ajuster en permanence au besoin du patient.

En psychomotricité avec les patients TCA, les principaux axes de travail ont été au niveau des registres de l’image du corps, du tonus (régulation tonico-émotionnelle, dialogue tonique), du temps (surtout la rythmicité autour des rythmes internes et sociaux) et de la sensorialité.

Pour cela, j’ai pu utiliser des médiations et médias comme des parcours sensoriels, des exercices de respiration, de la relaxation, des exercices basés sur la sophrologie, des massages, des exercices de dialogue tonique et d’accordage tonique, un travail autour de la vidéo et du corps en mouvement, du dessin et de la peinture avec écoute musicale, de l’équithérapie, de l’olfactothérapie et de la balnéothérapie.

Lorsque je travaillais auprès de patients TCA, j’ai pu suivre une formation spécifique sur les massages ainsi qu’une formation en balnéothérapie.

Des médiations pensées au besoin de chacun

Chaque médiation étant pensée pour chaque patient. Selon là où il en est dans son cheminement, selon ses possibilités et selon ses envies. L’objectif étant une reconnexion à soi, son corps et à son être.

Un travail autour de la sensorialité est également possible. Pour amener un côté régressif et apaisant à ces patients qui adolescent « s’adultifient » trop tôt et angoisse de l’avenir (souvent se sont d’excellents élèves). Proposer un travail sensoriel pour également vivre son corps différemment.

Le travail sur l’image du corps est je pense bien connu chez les TCA notamment au vu des dysmorphophobies. Cependant, d’autres signes cliniques comme l’hyperactivité, la rigidité, l’anxiété, l’alexithymie (difficulté à identifier, différencier, exprimer ses émotions) ou encore la mésestime de soi (parfois fond dépressif) m’ont amené à penser le soin du côté du tonus et de la rythmicité.

Souvent, j’ai pu observer combien de patients avaient recours à une carapace tonique défensive dans le lien à l’autre et dans le lien à soi. Amener à expérimenter une variation tonique pour certains patients a pu être surprenant et source de redécouverte de soi. De plus, l’hyperactivité et le dérèglement de rythmicité interne qu’amène le trouble alimentaire m’ont amené à réfléchir autour du travail du rythme.

Le fond du travail du psychomotricien

Essayer d’amener le patient à retrouver son rythme propre et non celui qu’impose la maladie. Essayer de vivre des temps calmes et bienveillants pour soi. Ces patients ont de nombreuses ressources et richesses intérieures, essayer de les aider à se reconnecter à cela par un travail corporel a été dans mon travail un axe important. Expérimenter que le mouvement n’est pas signe d’hyperactivité et que le calme n’est pas équivalent à l’inertie. Amener des nuances dans tous les préconçus assez clivés m’a paru important.

Remettre du lien entre le psychique et le corporel qui est vécu dans un clivage très fort par le patient TCA. Voilà l’axe global et essentiel qui m’est apparu tout au long de ma pratique. Aider les patients à pouvoir trouver une meilleure prise au lieu d’un lâcher prise effrayant.

Je vais m’arrêter là mais il y aurait tant à dire encore ! J’espère avoir donner envie à des psychomotriciens à s’engager dans un travail auprès de patients TCA.

Je voudrais remercier Stacie pour son initiative de partager autour de la clinique TCA en psychomotricité. »

Un grand merci à Élodie pour ta confiance et le partage riche de ta pratique ! J’espère que vous avez pris autant de plaisir que moi dans son témoignage.

Retrouvez des témoignages d’expériences de psychomotriciens et psychomotriciennes ! Si toi aussi tu souhaite partager ton expérience, n’hésite pas à m’envoyer un mail à psychomotmaison@gmail.com !

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